Lettre ouverte à Elisabeth Borne et Nicolas Hulot

Il est temps d’abandonner le projet d’autoroute A45

Madame Élisabeth Borne, ministre auprès du ministre d’État, ministre de la Transition écologique, chargée des Transports.

Et copie à

Monsieur Nicolas Hulot, ministre d’État, ministre de la Transition écologique et solidaire

Objet : il est temps d’abandonner le projet d’autoroute A45

Madame la Ministre,

Vous avez décidé de recevoir coup sur coup les représentants des collectivités territoriales ayant décidé de financer le projet d’autoroute A45 ce mercredi 11 octobre, puis les parlementaires de la Loire et du Rhône ce jeudi 12 octobre. Au nom de la coordination des opposants à l’A45, qui a réuni près de 10 000 personnes et 130 tracteurs lors du rassemblement des 1er et 2 juillet à Saint-Maurice sur Dargoire et qui vient d’inaugurer une tour de veille à Cellieu en bordure du tracé de l’autoroute, nous ne pouvons que nous réjouir de l’intérêt que vous portez à ce projet plus que controversé. Permettez-nous, par ce courrier, de vous exposer sommairement les raisons qui nous conduisent à penser qu’il est temps d’abandonner définitivement ce projet d’autoroute afin de consacrer les financements prévus aux mobilités de demain.

Vous aurez d’abord noté que les promoteurs de l’A45 n’ont toujours pas amené le moindre début de réponse sur la façon dont ils entendaient régler, tant sur le plan des infrastructures que sur le plan des financements, le raccordement de l’A45 au réseau existant. Alors que la déclaration d’utilité publique n’est valable qu’en cas de raccordement de l’A45 à l’A450, cette option est totalement impraticable puisque le secteur de Pierre-Bénite est d’ores-et-déjà l’un des endroits actuellement les plus congestionnés de la métropole lyonnaise et que les parties urbaines de l’A6 et de l’A7 viennent d’être déclassées.

Vous aurez également noté que les promoteurs de l’A45 se gardent bien d’expliquer que les habitants de Saint-Etienne Métropole, et plus généralement les habitants de la Loire, au nom desquels ils prétendent défendre le projet, seront conduits à payer le projet plusieurs fois, en tant que contribuable de la métropole, du département, de la région, de l’Etat, mais aussi en tant qu’usager d’une autoroute payante dont il est prévu que la concessionnaire puisse régulièrement augmenter les tarifs. Engager 790 millions d’euros de subvention publique, pour permettre au futur concessionnaire de ne pas perdre d’argent, reviendrait à aggraver le manque de financements pour le déploiement et l’amélioration des modes de transport de la vie quotidienne auxquels vous souhaitez donner la priorité. Cette subvention dite « d’équilibre », complètement disproportionnée au regard du coût initial du projet – 1,2 milliard d’euros – devrait à elle seule vous conduire à abandonner le projet.

Vous aurez enfin noté que les promoteurs de l’A45 ne savent pas quoi répondre quand on les interroge sur la caractère éculé d’un projet d’autoroute dont la déclaration d’utilité publique, qui date de 2008, est basée sur des études qui prévoient une augmentation très significative des rejets polluants dans l’atmosphère, ainsi qu’une augmentation de 85 % des émissions de gaz à effet de serre d’ici à 2035, par rapport à la situation de 2004, pour le secteur considéré1. Fondée sur un accroissement insoutenable du transport routier et des polluants qui l’accompagne, cette autoroute est une aberration d’un temps où l’on ne prêtait pas suffisamment attention à l’impact climatique et sanitaire des investissements publics.

Nous tenons également à vous signaler que l’A45 doit traverser les Coteaux du Lyonnais et les Coteaux du Jarez, qui sont pourtant des territoires pionniers et exemplaires en matière d’innovation agricole et de transition écologique. Ainsi, l’autoroute viendrait découper de nombreuses fermes qui alimentent les métropoles lyonnaise et stéphanoise en produits de qualité, et dont certaines sont connues pour avoir été à l’origine du premier magasin de producteurs du pays, un exemple qui a largement essaimé depuis. Ainsi, le 12 septembre 2016, la chambre d’agriculture du Rhône a adoptée, à l’unanimité, une motion demandant l’abandon du projet d’autoroute. Ces territoires constituent aussi l’habitat d’une biodiversité exceptionnelle, composée de nombreuses espèces protégées et/ou fragiles dont dépend directement l’équilibre des écosystèmes présents : leur destruction est en totale contradiction avec les engagements pris par le gouvernement en matière de protection de la biodiversité.

Vous avez décidé, Madame la Ministre, d’organiser des assises de la mobilité pour identifier les besoins et attentes prioritaires de nos concitoyens en matière de mobilité, avec l’ambition de faire émerger de nouvelles solutions. Le projet d’A45 n’en fait clairement pas partie : c’est un projet du siècle passé, à un moment où aligner les kilomètres de bitume servait de seule boussole aux politiques « d’aménagement du territoire ». Les temps ont changé. Les priorités également. Connaissant votre attachement à la mise en œuvre pleine et entière de l’Accord de Paris sur le climat, nous vous demandons solennellement d’abandonner définitivement ce projet d’autoroute qui n’est pas climato-compatible pour consacrer les financements prévus à l’amélioration des modes de transport du quotidien dans les départements de la Loire et du Rhône.

Nous ne manquerons pas de vous faire parvenir une série de propositions en ce sens dans le cadre des assises de la mobilité.

Nous sommes à votre disposition pour vous rencontrer et préciser le sens de cette requête. Nous vous invitons également à venir sur le terrain, rencontrer les paysans, habitants, citoyens et élus locaux qui se mobilisent depuis de très nombreuses années, afin de vous rendre compte des impacts et pour échanger sur les solutions alternatives, efficaces et moins coûteuses que nous portons.

Madame la Ministre, nous vous assurons de notre haute considération.

Le 10 octobre 2017

St-Jean de Touslas,

La coordination des opposants à l’A45.

2 commentaires sur “Lettre ouverte à Elisabeth Borne et Nicolas Hulot”

  1. Il faut que nous continuons à nous battre ensemble jusqu’au bout, même si Mme Borne venait à signer l’autorisation pour commencer les travaux, il ne faut surtout pas abandonner la lutte ou montrer des signes de faiblesse.
    Que ce collectif vive jusqu’à la mort de l’A45!

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