Autoroute A45 et dérèglement climatique : Des paroles aux actes ?

Suite à la validation par le conseil d’Etat du décret de concession de l’A45 à Vinci, dix organisations nationales (Agir pour l’Environnement, le Réseau Action Climat, la Confédération paysanne, Attac France, France Nature Environnement, la Fédération nationale des associations d’usagers des transports (FNAUT), ALTERNATIBA, ANV COP21, les Amis de la Terre et 350.org France) viennent d’adresser une lettre ouverte au Premier Ministre Edouard Philippe, au Ministre de la transition écologique et solidaire Nicolas Hulot et à la Ministre des Transports Elizabeth Borne, les appelant à ne pas signer le décret et à écarter définitivement ce projet inutile et climaticide.

Voici leur lettre (également disponible ici en .pdf)

LETTRE OUVERTE A L’ATTENTION DU PREMIER-MINISTRE EDOUARD PHILIPPE, ET DES MINISTRES NICOLAS HULOT ET ELISABETH BORNE

Autoroute #A45 et dérèglement climatique : Des paroles aux actes ?

Monsieur le Premier Ministre,

Monsieur le ministre d’Etat en charge de la transition écologique et solidaire,

Madame la ministre déléguée en charge des transports,

Le dossier emblématique du projet d’autoroute A45 entre Brignais (Rhône) et La Fouillouse (Loire) est pour les structures que nous représentons un test permettant de mesurer les engagements du gouvernement à « aller plus loin et plus vite dans la lutte contre les changements climatiques » comme l’a déclaré le Président de la République.

Le Conseil d’Etat vient de rendre un avis favorable au projet de décret donnant concession de l’A45 à l’entreprise multinationale Vinci, ouvrant la porte à une décision imminente de votre part. En validant ce projet d’infrastructure, vous inscririez la « transition écologique » dans une nouvelle forme de duplicité, validant localement ce que vous récusez au niveau international. Nous vous appelons donc à ne pas signer ce projet de décret et à définitivement écarter le projet d’autoroute pour consacrer les efforts de votre gouvernement à la recherche de solutions de transports compatibles avec la lutte contre les dérèglements climatiques.

Comme vous le savez, chaque décision doit être évaluée à l’aune de son impact climatique. La construction d’infrastructures autoroutières aura une incidence sur la façon dont nous nous déplacerons durant plusieurs décennies. Le rapport dit « Mobilité 21 » a rappelé que la priorité devait être donnée à la mobilité du quotidien[1]. Or, le tracé de l’autoroute A45 ne répond pas à ce besoin et constitue donc une infrastructure de prestige dont l’utilité peut légitimement être mise en cause.

La commission Mobilité 21 avait établi l’incompatibilité du projet avec les orientations du Grenelle de l’environnement. Pour nos organisations, réaliser ce projet serait trahir les objectifs de la loi de transition énergétique et de l’Accord de Paris. En effet, sur le secteur considéré, avec la nouvelle autoroute, les kilomètres parcourus augmenteraient de 136 % et la quantité de CO2 rejetée dans l’atmosphère de 85 % d’ici à 2035, par rapport à la situation de 2004 selon les études préalables à la DUP. A cela s’ajouteront sans aucun doute une aggravation de la pollution atmosphérique, des nuisances sonores et de l’artificialisation des sols au détriment, notamment, de la biodiversité et des terres agricoles.

Fondée sur un accroissement  insoutenable du transport routier et une augmentation non moins soutenable des émissions de gaz à effet de serre, cette autoroute est une aberration d’un temps où l’on ne prêtait pas suffisamment attention à l’impact climatique des investissements publics.

Conscients des problèmes de congestion persistants entre Lyon et Saint-Etienne, notamment aux portes de ces deux villes, nous vous encourageons vivement à étudier et privilégier les solutions alternatives, efficaces et moins coûteuses qui permettront une réduction des émissions de gaz à effet de serre, telles que le covoiturage, le renforcement quantitatif et qualitatif des transports en commun et du train, de l’intermodalité et la relocalisation des emplois. La commission Mobilité 21 établissait en 2013 que « la solution ne pourra (…) être décidée sous la forme du projet A45 qu’après s’être assuré de manière contradictoire qu’il n’existe pas d’alternative effective à un coût raisonnable. Une poursuite des études est indispensable » sans que cette recommandation ne soit, depuis, suivie d’effets.

En gaspillant plusieurs centaines de millions d’euros dans le déploiement d’infrastructures climaticides, le gouvernement prendrait la lourde responsabilité de faire le choix d’une continuité politique dont les effets climatiques se mesurent désormais ici et maintenant.

Comptant sur la consistance des engagements de l’exécutif en matière de lutte contre les dérèglements climatiques, nous vous prions d’agréer, Monsieur le Premier Ministre, Monsieur le ministre d’Etat en charge de la transition écologique et solidaire, Madame la Ministre en charge des transports, l’expression de nos salutations les plus respectueuses.

Laurent Pinatel, Porte-Parole national de la Confédération paysanne
Stéphen Kerckhove, Délégué général d’Agir pour l’Environnement
Michel Dubromel, Président de France Nature Environnement
Aurélie Trouvé, Porte-parole d’Attac France
Pierre Perbos, Président du Réseau Action Climat France
Bruno Gazeau, Président de la Fédération nationale des associations d’usagers des transports (FNAUT)
Florent Compain, Président des Amis de la Terre France
Sylvie Bouffaron, porte-parole pour ANV-COP21
Fanny Delahalle, porte-parole pour Alternatiba
Nicolas Haeringer, porte-parole pour 350.org France

[1]     Commission Mobilité – « Pour un schéma national de mobilité durable » – 27 juin 2013

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