La Coordination des opposants à l’A45 reste prudente sur les suites politiques du dossier d’autoroute A45.
« Les pro A45 ont dépensé une énergie et un budget considérable dans une pétition qui est un flop, preuve que l’A45 n’est pas si plébiscitée que ça ! »
Peut-on dire qu’aujourd’hui, le projet d’A45 est enterré ?
Non ! Le dossier est toujours sur la table de la Ministre des transports, Elisabeth BORNE. Ce dossier, c’est le fameux décret qui pourrait accorder la concession de l’autoroute à Vinci et lancer les expropriations. Aujourd’hui, la situation est en stand-by. Le point positif, c’est que la commission d’orientation des infrastructures a rendu début février un rapport à la Ministre, le rapport « Duron », qui juge que l’A45, cette deuxième autoroute parallèle à l’autoroute existante entre les faubourgs de Lyon et de Saint-Étienne, n’est pas « prioritaire ». A voir si le gouvernement suit ou non les conclusions de ce rapport. Il faut être prudent et continuer le travail de terrain, car il est arrivé à d’autres projets jugés non prioritaires de revenir par la fenêtre, l’air de rien. C’est le cas du contournement ouest de Strasbourg par exemple. Soulignons néanmoins que nous revenons de loin ! Il y a deux ans tout juste, le projet A45 semblait en très bonne voie. Nous avons réussi à le faire fortement reculer. La situation est bien meilleure aujourd’hui. La mobilisation que nous avons organisée les 1er et 2 juillet dernier à St Maurice sur Dargoire, avec 130 tracteurs, 10 000 personnes venant de tous les milieux, agricoles, urbains, ruraux, élus etc. a pesé et pèse encore sur la situation. La prudence du Ministère et les conclusion du rapport Duron en sont la preuve !
Dans les médias, on parle déjà du plan B… ça sent bon quand même, non ?
Parler d’un plan B est une bonne nouvelle : le discours de M. Wauquiez, Perdriaux, le MEDEF1 et la CCI2, consistait à répéter depuis quelques mois « il n’y a pas d’alternative à l’A45 ». Là, le Préfet de Région a évoqué un plan B qui montre qu’il y a bien des propositions alternatives sérieuses pour améliorer la mobilité entre Lyon, Givors et Saint-Etienne. Il est temps qu’un débat sur ces alternatives s’ouvre largement. La loi de programmation pluriannuelle, qui définira quels grands chantiers l’État va engager pour les années à venir, devait être débattue début avril. Elle est repoussée par la réforme de la SNCF. Soyons vigilants lorsqu’elle arrivera au Parlement. Quoi qu’il en soit, l’expérience montre que nous ne devons pas crier victoire trop tôt. La DUP3 doit être abrogée si l’on veut être certain d’enterrer le projet.
Du coup, l’enjeu est de tenir jusqu’à 2020, avec la caducité de la DUP ?
Certains pensent cela, mais je ne pense pas que ce soit une bonne stratégie ! Car l’État peut facilement prolonger la DUP, en se disant que c’est trop tôt pour se décider à définitivement enterrer le projet. Si on se contente d’être sur la défensive, c’est risqué. Nous devons au contraire être offensifs et mettre en avant notre projet de territoire. Il faut profiter de notre avance sur les pro-A45, qui ont jeté beaucoup de billes dans la bataille ! Ils ont notamment dépensé une énergie et un budget considérable dans une pétition « A45, oui je la veux », avec des vidéos dans le stade Geoffroy Guichard, des affiches 4 par 3 de partout. Aujourd’hui, le nombre de signataires n’est toujours pas publié ! C’est bien la preuve que leur pétition est un flop et que l’A45 n’est pas si plébiscitée que ça !
Et alors, quelles alternatives proposer pour remplacer l’A45 ?
Il ne s’agit pas de remplacer l’A45, mais bien de réfléchir à tout un projet de territoire. Le plan B, ce n’est pas seulement rénover l’A47, faire un deuxième pont à Givors et développer le rail. Il y a de multiples facettes ! Il faut d’abord lancer un débat sur la mobilité du XXI e siècle et l’aménagement de ce territoire : est-ce que c’est toujours plus de kilomètres par habitants ? Par exemple, est-ce logique de concentrer tous les efforts dans le développement des hôpitaux de Lyon et Saint-Étienne au détriment de celui de Saint-Chamond ? Veut-on que les nombreux habitants de la vallée du Gier fassent plus de kilomètres pour avoir accès à un service public de santé ? Il faut au contraire diminuer les kilomètres parcourus, et tout faire pour relocaliser à tous les échelons : relocaliser les lieux de travail et les lieux de vie, relocaliser l’agriculture au plus près des consommateurs etc. Le projet d’autoroute A45 est une aberration du siècle passé, où aligner les kilomètres de bitume servait de seule boussole aux politiques « d’aménagement du territoire ». Les temps ont changé. Les priorités aussi.
Propos recueillis par Samuel Richard, auprès de Maxime Combes, l’un des animateurs de la Coordination des opposant.e.s
Interview initialement publiée par la Confédération paysanne du Rhône (http://rhone.confederationpaysanne.fr/)